Evaluation du bien-être animal / BEA

Comment évaluer le bien-être animal ?

Si une bonne santé physique est indispensable au bien-être d’un animal, elle n’est pas suffisante. En effet, le bien-être dépend des expériences subjectives (émotions) de l’animal et de la perception qu’il se fait de son environnement. Puisqu’il s’agit d’un état mental et que celui-ci ne peut être directement mesuré, l’évaluation du bien-être animal utilise toute une série d’indicateurs basés sur l’environnement physique et social (enclos, aménagements, groupe social, etc.) ainsi que l’animal lui-même (son comportement, son état de santé, etc.). Enfin, l'évaluation du bien-être animal utilise une approche comparative qui se base sur des valeurs de références. Il est en effet essentiel de savoir ce qui est « normal » biologiquement pour une espèce ou un individu, pour pouvoir évaluer son état de bien-être. Il est donc nécessaire de collecter des informations dans la littérature sur la biologie de l’espèce (standards physiologiques, budget-temps, etc.) et d’effectuer un suivi sur le long-terme pour pouvoir repérer une éventuelle dégradation ou amélioration de l’état de bien-être d’un animal.

Mesurer le BEA
une approche comparative

L’évaluation du bien-être est basée sur une approche comparative. Elle nécessite en effet des valeurs de référence afin de savoir si ce que nous observons est « normal » pour un animal d’une espèce en particulier. Elle nécessite également de faire un état des lieux pour pouvoir ensuite s’assurer de l’efficacité de mesures mises en place sur l’état de bien-être des animaux. Deux niveaux de références vont donc être utilisés pour l’approche comparative :

L'espèce

L’objectif de ce premier niveau de comparaison est de savoir si l’individu présente une physiologie.) et un comportement qui sont propres à son espèce. Les études scientifiques, notamment en milieu naturel, ont permis de définir des valeurs standards des paramètres physiologiques (ex : taux hormonaux, bilan sanguin, poids, etc.) ainsi que le répertoire comportemental et le budget-temps (temps passé à se nourrir, à se déplacer, à jouer, à se reposer, etc.) d’une vaste majorité d’espèces qui peuvent aujourd’hui servir comme valeurs de référence pour les animaux en captivité. Par exemple, des comportements observés en milieu captif mais absent du milieu naturel (ex : stéréotypies) ou dans une fréquence significativement différente (ex : repos/inactivité) sont des indicateurs d’un environnement inadéquat et d’un état de bien-être potentiellement dégradé.

L'individu

L’objectif du second niveau de comparaison est de savoir si un changement est mesuré en comparaison avec les évaluations précédentes. Il peut s’agir de changements comportementaux (ex : l’animal passe plus de temps à dormir et moins de temps à faire sa toilette) ou physiques (ex : une prise de poids). Ce niveau de comparaison permet de savoir si l’état de l’animal se modifie au cours du temps, et donc d’évaluer de l’efficacité des mesures éventuellement mises en place pour garantir le bien-être de l’individu.

En pratique Il s’agit ensuite d’effectuer un suivi régulier afin de mesurer si les valeurs obtenues correspondent à ce qui est connu. C’est la variation de ces valeurs qui vont permettre d’identifier une dégradation ou amélioration de l’état de bien-être d’un animal. Une évaluation du bien-être peut se baser sur des questionnaires (complétés par l’équipe animalière ou des observateurs neutres) et/ou des observations comportementales directes. Les modifications du comportement sont en effet parmi les premiers indicateurs d’un état de mal-être. L’éthologie (la science qui étudie le comportement animal) et sa méthodologie s'avèrent être de précieux outils complémentaires du suivi vétérinaire.

L’aspect multifactoriel du bien-être animal rend très complexe son évaluation et son suivi. Par conséquent et depuis plus de 50 ans, les scientifiques se sont attelés à créer différents modèles permettant de synthétiser et clarifier les différents facteurs pouvant influencer l’état de bien-être de l’animal. Plusieurs protocoles ont été développés afin d’apporter des mesures individuelles, objectives et quantifiées, du bien-être des animaux hébergés en captivité. Puisqu’il s’agit d’un état mental et que celui-ci ne peut être directement mesuré, ces protocoles utilisent :

  • Des mesures liées à l’animals
  • Des mesures liées à l’environnement dans lequel l’animal se trouve

Qu’est-ce que le
modèle des 5 domaines?

Le modèle le plus connu et le plus utilisé s’intitule le modèle des 5 domaines. En 1994, le professeur Mellor et son équipe proposent une nouvelle approche du bien-être animal sur la base des 5 libertés fondamentales. Ce nouveau modèle s’organise autour de 4 domaines physiques et fonctionnels - la nutrition, l’environnement, la santé et le comportement - qui influencent tous ensemble un 5ème domaine, l’état mental. En 2020, le modèle est à nouveau mis à jour pour prendre en compte la qualité des relations humain-animal en les incluant dans le domaine « comportement » : on parle non seulement des comportements exprimés par l’animal mais aussi des interactions comportementales (avec l’humain, les congénères, etc.).

L’approche innovante du modèle des 5 domaines est la place centrale qu’elle accorde à l’état émotionnel dans la définition du bien-être. Ce dernier ne dépend, en effet, pas seulement des éléments environnementaux et de l’utilisation que l’animal en fait, mais également de sa perception subjective de la situation. Ainsi pour chaque élément physique impacté (ex : espace restreint), il peut y avoir une émotion associée (ex : frustration, ennui, etc.). La prise en compte des besoins émotionnels est donc tout aussi importante que celle des besoins physiques.

Historiquement, on parlait de bien-être dès lors que l’animal n’était pas dans des situations négatives (ex : absence de faim, absence de douleur). Or, une telle approche ne garantit en rien un état de bien-être positif mais au mieux un état neutre. Pour offrir aux animaux « une vie qui vaut la peine d’être vécue », ceux qui en ont la charge doivent donc s’assurer d’offrir des expériences physiques et mentales positives. Le modèle des 5 domaines inclus un système de notation pour évaluer la présence, l’intensité et la durée d’effets négatifs mais également la présence et la qualité des opportunités que l’animal a de vivre des expériences positives.

cinq domaine du bien-être

La force de ce modèle est d’exiger des indices comportementaux et physiques du bien-être basées sur des preuves scientifiques validées. Le large éventail d’états identifiés à prendre en compte et la configuration des 5 domaines conçus spécifiquement pour clarifier l’origine probable de ces états négatifs ou positifs permet aux évaluations du bien-être basées sur ce modèle d’être structurées, systématiques, complètes et compréhensives. Pour cette raison et depuis sa création, il a largement été adopté pour l’évaluation de l’impact des protocoles scientifiques, d’élevage ou toute autre situation où les humains interviennent dans la vie des animaux. Il a notamment inspiré le protocole Welfare Quality® qui a été développé pour évaluer le bien-être des animaux d’élevage.

Qu’est-ce que
l’évaluation Welfare Quality® ?

Le projet européen Welfare Quality® a pour objectif de répondre à une préoccupation sociétale croissante concernant le bien-être des animaux d'élevage (Veissier et al., 2010). Cette préoccupation appelle des systèmes d'évaluation permettant aux producteurs de se faire une idée du niveau de bien-être qu'ils assurent aux animaux dont ils ont la charge et aux consommateurs de se faire une idée du bien-être des animaux dont ils achètent les produits. Développé à partir de 2009, le protocole d’évaluation Welfare Quality® s’inspire du modèle des 5 domaines et s’articule autour de quatre grands principes formulés de manière à communiquer une question clé en matière de bien-être : une bonne alimentation, un bon logement, une bonne santé et un comportement approprié. Ils correspondent aux questions suivantes : Les animaux sont-ils correctement nourris et abreuvés ? Les animaux sont-ils logés correctement ? Les animaux sont-ils en bonne santé ? Le comportement des animaux reflète-t-il des états émotionnels positifs ?

Grille des critères utilisés dans Welfare Quality® chez les bovins laitiers. D’après Welfare Quality ® (2009) Assessment protocol for cattle. Welfare Quality ® Consortium, Lelystad, Netherlands.

L’intérêt du projet Welfare Quality® repose sur la mise au point de méthodes normalisées d'évaluation du bien-être animal et d'intégration de ces informations sous forme de score afin de permettre aux exploitations agricoles d'être classés selon 4 catégories allant d’insuffisant à excellent. L'une des innovations du système d'évaluation du bien-être animal Welfare Quality® est qu'il se concentre davantage sur les mesures basées sur l'animal (par exemple, celles qui sont directement liées à l'état corporel de l'animal, aux aspects sanitaires, aux blessures, au comportement, etc.) que celles basées sur l’environnement.
Les mesures retenues dans le procotole Welfare Quality® ont été choisies en se basant sur 3 critères essentiels :

- Leur validité (la mesure reflète-t-elle un aspect du bien-être réel des animaux)
- Leur fiabilité (répétable sur un grand nombre d’animaux)
- Leur faisabilité (sur le terrain).

Ainsi, en pratique, l'évaluateur (l’éleveur et/ou un scientifique) compte ou classe les animaux selon une série simple de catégories illustrées par des images ou des clips vidéo, afin de limiter les biais de jugement. Par ailleurs, ce protocole est régulièrement mis à jour en fonction des connaissances scientifiques. Le protocole Welfare Quality® a été développé pour les équidés, les moutons, les chèvres, les bovins, les cochons et les dindes.

Quel protocole pour
la démarche EBEA ?

Le protocole utilisé dans la démarche EBEA est basé sur le modèle des 5 domaines et a transposé l’approche du projet Welfare Quality® chez les espèces de la faune sauvage, pour évaluer le bien-être des animaux présents dans les parcs zoologiques. Comme pour le modèle des 5 domaines et l'outil "Welfare Quality®", il est essentiel d'adapter le protocole d'évaluation du bien-être animal aux spécificités des espèces. Ainsi, les réponses proposées vont être différentes s’il s’agit d’un tamarin lion, d’un ibis chauve ou d’un okapi. Néanmoins, les questions sont factuelles, descriptives et accompagnées d’images et de vidéos d’illustration pour faciliter la prise en main.
Le protocole combine à la fois un questionnaire et des observations comportementales. Ce questionnaire comprend environ 80 questions portant sur 4 domaines (l’hébergement, l’alimentation, la santé et le comportement de l’animal) afin de rendre compte des conditions de vie offertes à l’animal. Les sessions d’observations utilisent des éthogrammes détaillés (liste des comportements possibles d’une espèce) et permettent de quantifier objectivement le comportement de l’animal dans sa vie quotidienne.

Exemple d’une question utilisée dans l’évaluation du bien-être. Les ressources multimédias proposées sont adaptées en fonction des questions et des espèces concernées.
Source : Welfare Monitor – développé par le bureau d’études AKONGO.

Le protocole combine à la fois un questionnaire et des observations comportementales. Ce questionnaire comprend environ 80 questions portant sur 4 domaines (l’hébergement, l’alimentation, la santé et le comportement de l’animal) afin de rendre compte des conditions de vie offertes à l’animal. Les sessions d’observations utilisent des éthogrammes détaillés (liste des comportements possibles d’une espèce) et permettent de quantifier objectivement le comportement de l’animal dans sa vie quotidienne.

Les questionnaires et les observations sont disponibles dans une même application mobile, qui permet non seulement de gagner du temps lors de l’évaluation (toutes les réponses sont directement enregistrées et analysées) mais aussi d’inclure toute l’équipe dans ce suivi : chacun peut télécharger l’application sur son téléphone et réaliser l’évaluation à tout moment de la journée. Une équipe d’éthologues indépendants effectuent également les évaluations afin d’assurer l’objectivité des mesures. Les résultats sont présentés par catégorie, sur une échelle allant de 0 à 100%. La démarche repose sur une approche scientifique du bien-être animal et est en constante évolution en fonction des dernières connaissances.

cinq domaine du bien-être

Exemple de résultats obtenus. Les sous-catégories permettent d’identifier rapidement les points à améliorer en priorité.
Source : Welfare Monitor – développé par le bureau d’études AKONGO.

157

Professionels engagés

365

Animaux évalués

180

Evaluations réalisées

1362

Observations réalisées